jeudi 13 août 2009

La fin des interprètes ?


UN HOMME POLITIQUE belge, un brin provocateur, faisait remarquer lors d’une conférence internationale à Lille en juin « Dans les conférences internationales, quand les participants mettent le casque pour la traduction simultanée, on sait d’où ils viennent » (Sous-entendu : de France). La solution logique, comme dirait mon fameux tonton Marcel, c’est que les Français apprennent les langues étrangères, et tout au moins l’anglais.

MAIS, me direz-vous, si tout le monde parle anglais, les interprètes seront au chômage ? Je ne pense pas.

JE NE PENSE PAS car on ne peut évidemment pas s’attendre à ce que tout le monde atteigne un niveau d’anglais utilisable. Un employeur ne pourra jamais n’embaucher que des ouvriers ou des manutentionnaires bilingues. Et j’interviens régulièrement chez mes clients pour des projets où cette catégorie de personnel est impliquée, et indispensables au succès du projet. Autre exemple, quelle mairie restreindrait son programme d’échange avec l’Angleterre aux seuls habitants (retraités, mères de famille,…) parlant la langue d’Harry Potter ? La douzaine d’habitantes du Dunkerquois que j’ai accompagnées dans le Kent doivent encore raconter à leurs familles cette fameuse journée. Et c’est une énorme satisfaction pour moi de rentrer après une (longue) journée outre-Manche en me disant que j’ai aidé des gens à connaître une autre culture, voire à changer d’avis sur les voisins de l’autre côté. C’est particulièrement vrai pour le Royaume-Uni.

JE PENSE également que l’interprète apporte un niveau de qualité, donc de confort d’écoute, supérieur. N’en déplaise à ce politicien belge cité plus haut, lui-même quadrilingue, un scientifique qui doit écouter des présentations pendant 2 jours apprécie la traduction simultanée dans sa langue. Et cela, même si les scientifiques qui souhaitent publier parlent aujourd’hui l’anglais.

DANS un contexte purement commercial, que l’on ait en face de soi un fournisseur partenaire avec qui on va développer un nouveau produit, ou un client anglophone, il faut être efficace. Si le niveau d’anglais suffit pour un échange par courriel, voire de courtes conversations téléphoniques, le contexte est maintenant différent. On ne voudra pas ennuyer ou agacer en se battant avec les problèmes de vocabulaire et une grammaire approximative. Je ne citerai pas le nom de ce grand patron américain de l’informatique qui s’est endormi (brièvement) pendant une présentation de diapo. La commerciale française parlait pourtant bien la langue de Paris Hilton avec ses collègues US au téléphone…
Autre circonstance où l’interprète sera toujours indispensable, c’est quand une entreprise doit faire passer un message. L’entreprise qui a fait appel à mes services fin 2008 pour présenter sa stratégie de crise à ses franchisés l’a bien compris. C’est ici la même préoccupation de qualité que pour la traduction écrite (voir un précédent billet)

ENFIN, si j’en crois beaucoup de mes clients en interprétation, il restera le problème de l’accent. S’il nous arrive, à nous interprètes professionnels, de devoir nous adapter pendant quelques minutes à l’accent de l’orateur, certains clients font eu un blocage total. Si les latins sont réputés facile à comprendre pour un français («Maille ném is José Luis, aille com from Espain » aimait dire cet ami étudiant espagnol rencontré au États-Unis), ce n’est pas forcément le cas des Germaniques, des Asiatiques, et a fortiori des Asiatiques vivant en Allemagne (Ce cas m’est arrivé récemment lors d’un congrès sur les écomatériaux ! Ma consoeur à mes côtés souffrait pour moi...). Comme 60% de l’anglais parlé en Europe l’est comme langue étrangère, les interprètes ont forcément une expérience dans ce domaine.
Je ne vois donc pas de menaces sur le métier d’interprète, même si la politique d’apprentissage des langues dans les écoles et les entreprises de France devait d’un seul coup s’accélérer !

BONNE continuation aux confrères et consœurs encore en vacances, et bon courage à ceux qui sont rentrés !

1 commentaire:

  1. Et entre nous soit dit, vu la façon dont les langues sont enseignées en France, le peu d'heures de cours qui y sont consacrées et le manque de motivation des Français, il est fort peu probable que leur niveau en langue s'améliore avant longtemps...

    Pour ma part, je connais énormément de personnes qui, bien qu'ayant étudié l'anglais depuis la 6e jusqu'au moins la terminale, sont pourtant incapables de formuler la moindre phrase dans la langue de Shakespeare...
    Et les études post-bac ne garantissent pas non plus un niveau acceptable en langue. Pour l'avoir constaté personnellement récemment, sur une classe de 22 élèves de BTS d'assistante, seuls 2 élèves étaient capables de tenir un oral d'anglais, les autres étaient paralysés à l'idée d'avoir à ouvrir la bouche pour parler. Et ça ne cache pas simplement un complexe, mais c'est plutôt révélateur d'un niveau puisque même à l'écrit, c'était tout aussi catastrophique.
    J'en ai discuté avec plusieurs profs d'anglais qui me disaient être atterrés par le fait que ces élèves ont réussi ne serait-ce qu'à avoir le bac... Et pour avoir beaucoup fréquenté les forums de discussion, je peux vous garantir que l'exemple dont je vous parle n'est malheureusement pas un cas isolé...

    De plus, même si par rapport à la génération précédente, les cadres parlent davantage une langue étrangère, le niveau n'est souvent pas suffisant pour qu'un chef d'entreprise fasse appel à leur talent pour interpréter lors d'une réunion dont les enjeux sont vitaux pour l'entreprise.
    Je pense aussi qu'il ne suffit pas de parler une langue, encore faut-il en maîtriser les subtilités et bien connaître la culture de ses interlocuteurs pour ne pas commettre d'impairs rédhibitoires et néfastes à la négociation ou la présentation...
    Pendant 22 mois, j'ai travaillé comme assistante d'un chef de projet sur un gros chantier de tuyauterie dans le secteur pharmaceutique... le client étant suédois, la langue de travail était donc l'anglais. Cela ne m'a pas posé problème, pourtant, je ne m'imagine pas exercer le métier d'interprète ou de traducteur...
    Je sais que mon niveau, bien que satisfaisant pour travailler en anglais, ne me permet cependant pas de prétendre me passer des services d'un traducteur ou d'un interprète, car ce n'est pas mon métier et ce n'est pas ce que je fais le mieux. Je préfère, et tout employeur raisonnable ou échaudé par une première expérience malheureuse, préférera faire appel à quelqu'un dont c'est le métier, car il aura une expertise que moi je n'ai pas...

    Je terminerai enfin en disant que même si l’on maîtrise une langue, encore faut-il maîtriser le domaine concerné... et les interprètes ont, comme chacun le sait, une grande culture générale qui leur permet d'intervenir dans des domaines très variés. Donc, pour toutes ces raisons, je ne pense pas que le métier de traducteur ou d'interprète soit amené à disparaître avant longtemps...

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