vendredi 5 juin 2009

Un peu de math


Même si dans notre entreprise, c’est Marie la spécialiste des chiffres, je voulais évoquer avec vous quelques chiffres de la traduction.


Le JT de 13h00 de France 2 a consacré cette semaine son feuilleton au Parlement Européen. Et ils ont eu la bonne idée de parler des traducteurs et des interprètes.
Concernant ces derniers, on apprend qu’ils sont 3 par cabine et se relaient toutes les 20 minutes. Même si le contenu des interventions doit demander une concentration certaine, ces conditions de travail font rêver ceux qui, comme moi, se relaient toutes les demi-heures à deux par cabine en entreprise…


Pour ce qui est de la traduction, les journalistes ont évoqué un coût de 2,20 € par Européen et par an. Évidemment, cette somme représente plus pour un ouvrier agricole maltais que pour un banquier luxembourgeois. Ce ne me semble pourtant pas démesuré pour s’assurer que toutes les initiatives sont à la fois exprimées, mais également comprises par tous. Je ne pense pas souhaitable que l’Europe ne parle qu’une seule langue. Toute proportion gardée, il serait dommage de suivre l’exemple du Mandarin en Chine qui a pratiquement effacé de la carte linguistique les 200 autres langues chinoises.

De même, n’est-il pas raisonnable pour une entreprise de dépenser 100 € pour faire traduire son site internet ? Pour un site de BtoB, cette dépense est rentabilisée sur la première commande en provenance d’un client étranger. Et pourtant, certains de nos prospects hésitent encore, devant un métier qu’ils ne connaissent pas. Ne nous voilons pas la face. Autant un chef d’entreprise doit se tenir informé, autant il nous revient, en tant que professionnels de la traduction, de faire de la vulgarisation.

Et il en va de même pour l’interprétation. Que dire d’une économie de 1500 € (pour 2 interprètes) pour lancer un projet européen de 600 000 € ? S’assurer que tout a été bien compris par tous les partenaires étrangers autour de la table permet des économies substantielles lors de la phase de réalisation. Les professionnels de la gestion du changement, entre autres, l’ont bien compris, qui recommandent de soigner l’information et les formations. Une compréhension homogène dès le début du projet assure le succès futur.

En conclusion, le métier de la traduction n’échappe pas à règle. Un investissement judicieux, en l’occurrence la traduction d’éléments clés, au bon moment, le plus en amont possible, se voit rentabilisé très rapidement. Il nous reste à en convaincre nos futurs clients.

Vos expériences en ce domaine sont les bienvenues.


Photo: Paul Khor

mardi 2 juin 2009

Intact par les mains humaines*




Titillé par cet article, recommandé par EnglishProfi sur Twitter, je m’aperçois que je n’ai pas encore abordé dans ce blog le thème de la traduction plus ou moins automatique.

Je ne sais pas pour vous, consœurs et confrères, mais moi, c’est un sujet récurrent dès je parle du métier que je fais.
Soit c’est « oh moi quand j’ai besoin de traduction, je vais sur [insérer ici le nom du moteur de recherche] et ça traduit tout seul ». Soit c’est carrément « ah là là mon pauvre vieux, la traduction c’est pas un métier d’avenir, avec les nouveaux logiciels que les Japonais viennent de sortir… ». Et à ce moment-là, je dois expliquer avec diplomatie que les moteurs de traduction automatique en ligne peuvent très bien aider pour comprendre les paroles d’une chanson de Tokyo Hotel. En revanche, il ne faut pas attendre de miracle pour un courrier à un fournisseur de machines-outils d’outre-Rhin.
Et les développeurs japonais chers à tonton Marcel travaillent depuis des années, mais n’ont pas encore mis au chômage mon confrère Takashi…

Je ne vais donc pas faire ici une étude exhaustive de la traduction automatique, qui serait forcément incomplète et fastidieuse à lire. Je préfère lancer des pistes de réflexion, et par là même une invitation aux commentaires.

Je vois trois catégories de traduction plus ou moins automatisée.
La première, dont je viens de parler, et qui est la plus connue, est pour moi la traduction automatique en ligne proposée par les moteurs de recherche. Il s’agit ici, pour résumer, de dictionnaires électroniques très sophistiqués qui remplacent un mot dans la langue source par son équivalent dans la langue cible. En tenant compte de la grammaire de la phrase… dans le meilleur des cas. Ainsi : « Pourquoi l'arbre est-il tombé ? » devient « Why did the tree fall? ». RAS. Mais « l'arbre à cames est-il trempé ? » devient « is the camshaft dipped » (Surtout n’oubliez pas le s à cames sous peine de délire surréaliste en anglais) parce que le mot « trempé » n’a qu’une seule traduction « dipped ». C'est-à-dire trempé comme le doigt dans la sauce pour voir si elle est bonne…le processus du trempage de l’acier est inconnu pour la machine.

La deuxième catégorie s’appelait il y a quelques années Traduction Humaine Assistée par la Machine, et aujourd’hui Mémoire de Traduction (MT). Ce sont des logiciels de plus en plus prisés par les traducteurs (et dont le plus célèbre rime avec sac à dos) qui laissent le travail de traduction créative aux traducteurs et traductrices, enregistrent le travail au fur et à mesure, puis suggèrent une traduction si d’aventure une phrase identique se présente. Et ce, que ce soit dans le même texte, trois jours ou même six mois plus tard. Ils évitent ainsi les tâches répétitives (ceux qui ont déjà traduit à la main des nomenclatures de pièces savent de quoi je parle).
Ils se comportent comme les logiciels de comptabilité qui soulagent les comptables des calculs fastidieux, et des mises en pages de bilan. Si le métier de comptable ne semble pas menacé, je ne m’inquiète pas trop pour celui de traducteur. Juste en passant, un petit regret que certaines agences de traduction détournent les fonctionnalités de ces programmes pour imposer des réductions de tarif rarement justifiées.

Enfin, la dernière catégorie combine les deux premières. Je pense à un logiciel open source dont le nom évoque la vitesse des mots, et qui fait appel à des macros. Bien qu’il se revendique mémoire de traduction, son fonctionnement justement à base de macros rappelle les « dictionnaires sophistiqués » chers aux collégiens. Mes tests personnels ne m’ont pas convaincu, mais certains confrères ne jurent que par lui.

En conclusion, forcément provisoire, je ne me sens pas menacé par les logiciels de traduction, pas plus en tout cas que ne doivent l’être les architectes par les logiciels de DAO , les écrivains par les traitements de textes ou les chanteurs lyriques par le vocoder .

Pour moi, l’utilisation des mémoires de traduction

  • permet de se concentrer sur la valeur ajoutée du travail de traducteur

  • assure la cohérence de la terminologie dans un même texte, ou dans un même projet,

  • et enfin, après une période d’apprentissage, peut réduire nettement les traductions répétitives.


Que vous soyez réfractaire à ces outils de TAO ou que ce soit le premier logiciel que vous lanciez sur votre PC, n’hésitez pas à poster un commentaire !

Photo : Duncan Fawkes




*Traduction automatique de Untouched by human hands titre d’un recueil de nouvelles de Robert Sheckley, datant de 1954. J’ai entendu cette expression utilisée par dérision en Angleterre par quelqu’un qui me passait un scone en le saisissant entre le pouce et l’index.

Quelques photos et coupures de presse